Le cimetière numérique de Microsoft : où sont passées les applications populaires ?

Après une mise à jour majeure de Windows, lorsque nous allumons nos ordinateurs, nous constatons souvent des changements. Les icônes ont changé, les menus ont été déplacés et, parfois, certains programmes ont tout simplement disparu. Microsoft, le géant technologique de Redmond, est connu pour son cycle incessant d'innovation et son « nettoyage de printemps », au cours duquel les programmes anciens, moins rentables ou technologiquement obsolètes cèdent la place à des solutions plus récentes, souvent basées sur l'intelligence artificielle. Tout comme Google Microsoft possède également un immense cimetière de programmes où reposent de nombreux logiciels que nous utilisions autrefois.

Wordpad : la fin du compagnon silencieux

Il n'y a probablement aucun utilisateur Windows qui n'ait jamais ouvert WordPad. C'était le compromis idéal : plus puissant qu'un simple Bloc-notes, mais moins complexe et moins gourmand en ressources que Microsoft Word. WordPad nous accompagne depuis près de 30 ans, depuis son apparition dans Windows 95. Il était indispensable pour prendre des notes rapidement lorsque nous n'avions pas Office installé sur nos ordinateurs, et un allié précieux pour les étudiants qui n'avaient besoin que d'une mise en forme de texte basique.

Cependant, en 2024, avec la mise à jour Windows 11 version 24H2, Microsoft a pris la décision définitive d'abandonner WordPad. La raison officielle est simple : le développement de l'outil était arrêté. Face aux éditeurs de texte en ligne gratuits comme Google Docs et Word Online, un éditeur de texte local aux fonctionnalités limitées (format RTF) est devenu superflu. Pour la simple édition de texte, Microsoft recommande désormais le Bloc-notes mis à jour, qui propose enfin des onglets et un mode sombre, et pour tout le reste, bien sûr, Word, qui est payant. Malgré cette décision commerciale logique, de nombreux utilisateurs regrettent la simplicité de WordPad, qui ne nécessitait ni connexion au cloud ni abonnement mensuel, et qui fonctionnait tout simplement.

Une expérience ratée de création 3D

En 2017, Microsoft a annoncé en grande pompe la mise à jour « Creators Update » pour Windows 10. La vedette de cette mise à jour était Paint 3D, un programme censé remplacer le légendaire Paint. L’objectif était de permettre à tous de créer facilement des modèles tridimensionnels utilisables en réalité augmentée, voire imprimables en 3D. Microsoft était convaincu que la 3D allait révolutionner l’informatique personnelle.

Mais la réalité était tout autre. Les utilisateurs ne souhaitaient ni une interface complexe ni un chargement lent des modèles 3D. Ils voulaient simplement recadrer rapidement une image, entourer d'un cercle rouge une partie importante d'une capture d'écran ou enregistrer le fichier dans un autre format. Paint 3D était trop lourd et lent pour ces tâches simples. Ironie du sort, les utilisateurs ont tellement résisté à la suppression du logiciel Painter classique que Microsoft a dû le conserver.

Aujourd'hui, l'histoire est terminée. En novembre 2024, Paint 3D a été retiré du Microsoft Store et ne reçoit plus de mises à jour. Le logiciel Painter classique, quant à lui, a connu une renaissance, avec de nouvelles fonctionnalités comme les calques et des outils d'IA pour la suppression des arrière-plans. Paint 3D restera dans les mémoires comme une tentative intéressante, mais malavisée, de nous imposer une technologie dont nous n'avions pas vraiment besoin.

Une histoire courte et triste à propos d'Android sur Windows

L'une des annonces les plus prometteuses lors du lancement de Windows 11 était la possibilité d'exécuter des applications Android. Une fonctionnalité appelée Sous-système Windows pour Android (WSA) promettait d'estomper la frontière entre mobile et ordinateur. L'idée était géniale : pouvoir jouer à des jeux mobiles, utiliser des applications domotiques ou consulter TikTok sur grand écran sans avoir besoin de son téléphone.

Le problème résidait dans la mise en œuvre. Microsoft s'était associé non pas à Google, mais à Amazon. De ce fait, les utilisateurs n'avaient pas accès au Google Play Store, où se trouvait la grande majorité des applications populaires, mais à l'Amazon Appstore, beaucoup plus restreint. Si les utilisateurs avertis ont trouvé des astuces pour contourner les services Google, l'expérience restait trop limitée et complexe pour l'utilisateur lambda. Les développeurs d'applications, quant à eux, se sont peu souciés d'optimiser leurs applications pour Windows.

Il n'est donc pas surprenant que Microsoft ait annoncé l'arrêt de cette fonctionnalité. La prise en charge prendra officiellement fin le 5 mars 2025.

Quand une assistante perd sa voix

Cortana était la réponse de Microsoft à Siri d'Apple et à Alexa d'Amazon. Son nom s'inspirait de l'intelligence artificielle du célèbre jeu vidéo Halo, ce qui lui conférait une reconnaissance et une personnalité immédiates. Pendant plusieurs années, Cortana a été profondément intégrée à Windows 10, mais beaucoup n'ont jamais eu l'occasion de la découvrir, car elle n'était pas disponible dans toutes les langues et toutes les régions.

Ceux d'entre nous qui savaient contourner cette limitation ont pu observer Cortana lors de la configuration du système, lui dicter des rappels, consulter la météo ensemble ou ouvrir des programmes. Microsoft rêvait d'un dialogue aussi naturel avec nos ordinateurs qu'avec les humains. Cette vision reste d'actualité, mais elle s'appuie désormais sur l'intelligence artificielle.

Cortana n'a jamais percé sur smartphones, alors même que c'était le marché des assistants numériques. Le système d'exploitation mobile de Microsoft ayant disparu, Cortana est restée cantonnée aux ordinateurs de bureau, où l'on préfère taper plutôt que parler. Avec le temps, elle est devenue une nuisance que les utilisateurs souhaitaient désactiver. L'avènement de l'intelligence artificielle générative a rendu obsolète l'interface utilisateur « ancienne » de Cortana.

Fin 2023, Microsoft a abandonné l'application Cortana autonome dans Windows 11. Copilot l'a remplacée.

Rêves en réalité mixte

Il y a quelques années, la réalité virtuelle (RV) était un sujet brûlant. Microsoft a fait son entrée sur le marché avec sa plateforme Windows Mixed Reality (WMR), offrant une solution plus abordable et plus simple pour découvrir la RV que ses concurrents comme Oculus (désormais Meta) et HTC. Des fabricants tels que HP, Lenovo et Samsung ont produit des casques performants ne nécessitant pas de capteurs externes.

Malgré des débuts prometteurs, la plateforme n'a jamais vraiment conquis les joueurs, qui lui ont préféré SteamVR. Elle n'a pas non plus séduit les professionnels, qui se sont tournés vers le casque HoloLens, plus onéreux. Microsoft semble avoir perdu tout intérêt pour le marché de la réalité virtuelle grand public. Dans Windows 11 24H2, la prise en charge de Windows Mixed Reality a été supprimée. Par conséquent, les possesseurs de ces casques ne pourront plus utiliser leur matériel sur les dernières versions de Windows, et la prise en charge complète est prévue pour novembre 2026.

Un regard nostalgique sur le passé

Les départs à la retraite mentionnés ci-dessus sont assez récents, mais il reste encore un certain nombre de légendes dans le cimetière de Microsoft.

Le premier, bien sûr, est Internet Explorer. Autrefois indissociable d'Internet, c'est le navigateur qui nous a permis de nous connecter pour la première fois. Victime de son succès et de ses failles de sécurité, il est devenu la risée d'Internet en raison de sa lenteur. Il a finalement été abandonné en 2022, mais son esprit perdure dans le « mode IE » du navigateur Edge, encore requis par certaines entreprises pour les anciens sites web.

Autre symbole de nostalgie : Windows Movie Maker. Pour toute une génération, il a été le premier contact avec le montage vidéo. Simple d’utilisation, il plantait souvent sans raison apparente, mais il nous permettait d’agrémenter nos vidéos de bord de mer amateurs de musique et de transitions kitsch. Il a été remplacé par l’éditeur en ligne Clipchamp, qui, pour beaucoup, manque de ce charme désuet.

Et enfin, MSN Messenger. Avant l'ère de Facebook et d'Instagram, il était au cœur de notre vie sociale. Envoyer des messages, jouer à des jeux dans une fenêtre de chat et publier des statuts élaborés faisaient partie du quotidien. Microsoft l'a abandonné après le rachat de Skype, mais beaucoup s'accordent à dire que Skype n'a jamais réussi à recréer l'atmosphère détendue de MSN.

L'abandon de nombreuses applications révèle les objectifs de Microsoft. Tout ce qui ne contribue pas à sa vision du cloud et de l'IA est menacé. Les outils sur site sont progressivement remplacés par des services web, et les applications autonomes sont intégrées à des plateformes plus vastes (comme Teams ou Office 365).

Pour les utilisateurs, c'est une arme à double tranchant. D'un côté, nous bénéficions d'outils plus performants qui peuvent nous faire gagner beaucoup de temps. De l'autre, nous perdons le contrôle de nos logiciels.